Une soumission aux « maîtres de la Silicon Valley » ?
Mélenchon ne mâche pas ses mots : il dénonce une France placée « sous l’emprise techno-féodale des Elon Musk et des autres milliardaires de la Silicon Valley ». Selon lui, l’approche de Macron relève davantage de la servitude que de l’innovation souveraine. « Celle des battus d’avance, celle des vaincus, celle des supplétifs », tranche-t-il.
Mais concrètement, qu’est-ce qui dérange tant Mélenchon ?
Trois points de friction majeurs
- Un affaiblissement des garde-fous européens
Mélenchon s’interroge sur le rôle de la France dans les négociations européennes sur l’IA. Pourquoi agirait-elle « en lobbyiste pour abaisser le niveau des garde-fous décidés par l’Europe face aux GAFAM » ? Cette critique révèle une crainte : celle de voir l’Union européenne adopter des règles trop permissives sous l’impulsion de Paris, laissant les entreprises américaines dicter leurs propres lois. - Une gouvernance privatisée de l’IA
Autre point de crispation : la volonté de confier « la production des règles d’usages et leur gouvernance à une fondation privée ». Pour Mélenchon, cette idée revient à déléguer une partie du pouvoir réglementaire à des intérêts privés plutôt qu’à des institutions publiques et démocratiques. - L’implantation massive de data centers américains en France
L’annonce récente de l’Élysée prévoyant l’implantation de 35 nouveaux sites d’accueil pour des centres de données ne passe pas. Selon Mélenchon, il s’agit d’une erreur stratégique qui expose la France à une mainmise étrangère sur ses infrastructures numériques.
Des propositions pour une IA « vraiment » souveraine
Face à ce qu’il perçoit comme une capitulation face aux intérêts américains, Mélenchon avance plusieurs propositions :
- Une gouvernance mondiale sous l’égide de l’ONU
Plutôt que de laisser les multinationales dicter leurs propres règles, il plaide pour que « l’ONU et le droit international soient les maîtres de ce monde nouveau ». Une idée ambitieuse, mais qui risque de se heurter à de nombreuses résistances diplomatiques. - Un cloud 100% public et français
L’ancien candidat à la présidentielle prône la création d’un « réseau de data centers publics, gérés par l’État et des institutions publiques, interconnectés pour former un ‘cloud’ véritablement français ». Objectif : garantir un contrôle total des données stockées sur le sol national. - Un avertissement sur la captation des données
« Tout ce qui sera stocké en France par des entreprises américaines sera accessible et utilisable aux États-Unis », prévient-il. Un risque réel, alors que les lois américaines comme le Cloud Act permettent aux autorités US d’accéder aux données des entreprises étrangères soumises à leur juridiction.
Un débat clivant au sein du Sommet sur l’IA
Ce bras de fer idéologique intervient dans un contexte où la France cherche à jouer un rôle moteur dans la gouvernance mondiale de l’IA. Co-présidé par la France et l’Inde, le Sommet pour l’action sur l’IA vise à établir un cadre international pour réguler cette technologie en pleine expansion. Mais Mélenchon semble convaincu que la ligne actuelle du gouvernement compromet cet objectif.
Une chose est certaine : à la veille de cet événement majeur, le débat sur la souveraineté numérique et les rapports de force entre États et entreprises privées est plus vif que jamais.