La lettre du pape : un appel à la compassion
Dans une lettre adressée aux évêques catholiques américains le 11 février 2025, le pape François n’a pas mâché ses mots. Il a qualifié le plan de déportations massives de l’administration Trump de « crise majeure » qui « porte atteinte à la dignité de nombreux hommes et femmes, ainsi qu’à celle de familles entières ». Il a mis en garde contre les politiques fondées sur la force plutôt que sur la compassion et la dignité humaine, affirmant qu’elles « se termineront mal ».
Bien que le pape n’ait pas mentionné JD Vance par son nom, son message était une réfutation claire de ses récentes déclarations sur la théologie catholique. François a rejeté l’interprétation de « ordo amoris » (ordre de l’amour) défendue par Vance, affirmant que le véritable amour chrétien est illustré par la parabole du bon samaritain, qui prône une fraternité universelle et ouverte à tous, sans exception.
Les déclarations controversées de Vance
JD Vance, converti récent au catholicisme, a défendu avec ferveur les politiques migratoires strictes de l’administration Trump. Sur Fox News, il a expliqué sa position en invoquant « ordo amoris », affirmant que l’amour devait être hiérarchisé en cercles concentriques : d’abord la famille, puis les voisins, la communauté, les concitoyens et, seulement ensuite, le reste du monde. Il a accusé la gauche politique d’inverser cet ordre naturel en donnant la priorité aux migrants étrangers plutôt qu’aux citoyens américains.
Ses déclarations ont suscité la controverse, notamment son affirmation selon laquelle les évêques catholiques américains s’opposent à l’application des lois migratoires dans les églises en raison d’intérêts financiers liés à la réinstallation des réfugiés. Cette accusation, suggérant que les dirigeants religieux seraient davantage motivés par des considérations économiques que par des convictions spirituelles, a aggravé les critiques à son égard dans les cercles catholiques.
La réponse théologique du pape François
Le pape François a fermement rejeté la vision restrictive de l’amour chrétien avancée par Vance. Il a souligné que « l’amour chrétien n’est pas une expansion concentrique d’intérêts qui s’élargissent progressivement à d’autres personnes et groupes ». Il a plutôt appelé à une fraternité universelle qui reconnaît la dignité égale de tous les êtres humains, quelle que soit leur nationalité ou leur statut légal.
Le pontife a établi un parallèle direct entre les migrants d’aujourd’hui et Jésus-Christ lui-même, rappelant que Jésus « n’a pas été épargné par l’expérience difficile d’être expulsé de sa propre terre en raison d’un danger imminent pour sa vie ». Il a insisté sur le fait que Jésus et sa famille ont cherché refuge dans un pays étranger, rendant la question migratoire profondément liée à la foi chrétienne.
Un fossé grandissant entre le MAGA et le catholicisme américain
Cette intervention papale met en lumière l’écart grandissant entre l’Église catholique et l’agenda « America First » du mouvement MAGA. Si les catholiques conservateurs ont souvent trouvé un terrain d’entente avec les républicains sur des sujets comme l’avortement et la liberté religieuse, la politique migratoire agressive de Trump les place en désaccord avec les enseignements sociaux de l’Église.
David Gibson, directeur du Center for Religion and Culture de l’université Fordham, a décrit la lettre du pape comme « une réfutation systématique de toutes les justifications théologiques avancées par JD Vance et ses alliés catholiques conservateurs sur l’immigration ». Le timing de cette prise de position, alors que la campagne présidentielle de 2025 s’intensifie, met les catholiques proches du MAGA dans une position délicate, les obligeant à choisir entre leur fidélité politique et les principes de leur foi.
Quelles conséquences ?
Le message fort du pape François soulève des questions pressantes pour les catholiques américains. Peuvent-ils continuer à soutenir des politiques que le chef de leur Église a dénoncées comme étant en contradiction avec les valeurs chrétiennes ? Les dirigeants catholiques conservateurs prendront-ils leurs distances avec les arguments de Vance ou tenteront-ils de réinterpréter la doctrine pour l’adapter à leur position politique ?
À mesure que la campagne de 2025 avance, les paroles du pape pourraient avoir un écho bien au-delà de l’Église, poussant de nombreux Américains à reconsidérer les implications morales des politiques migratoires. Ce conflit entre foi et politique est loin d’être terminé, et son issue pourrait remodeler l’avenir du catholicisme américain ainsi que le paysage politique du pays.